Histoire de la Loge
ACTE CONSTITUTIF DE LA LOGE APOLLONIUS DE TYANE A L’ORIENT DE GENÈVE
L’an 5967 et le huitième jour, les Maîtres Maçons dont la signature est apposée au bas du présent Acte, ayant tous été initiés et élevés à la maîtrise dans une Loge juste et parfaite, déclarent librement par leur propre volonté, qu’ils acceptent d’être inscrits sur la liste des Frères constituants; en vertu de quoi, ils décident de créer et constituer un nouvel Atelier et de tenir Loge qui aura, pour ligne directrice : les Constitutions des Francs-maçons de 1723 et leurs Anciens Devoirs, pour mission : de conserver, de propager et de promouvoir l’esprit libéral des Maçons de 1717 tel qu’il est décrit dans les susdites Constitutions, et pour but : de participer à la réorganisation de la Maçonnerie libérale en Suisse en vue d’aboutir à l’organisation de cette Maçonnerie en Europe et ensuite sur tous les Continents.
Cet Atelier travaillera et tiendra Loge sous le titre de Loge : APOLLONIUS DE TYANE
Or\ de Genève, le 8 mai 1967
Signataires:
- Simon – R. Bongard – R. Preti – E. Bettens – G. Jansen – C. Mathys – P. Bianchi – E. Fawer
La Loge en 1967
Pourquoi et comment ?
La création de la Loge APOLLONIUS DE TYANE est intimement liée à celle de la Loge FIDÉLITÉ ET LIBERTÉ.
Après la décision de la Grande Loge Suisse ALPINA, votée à Berne en juillet 1966, de rompre ses relations avec la Grande Loge de France, 14 Frères de Genève créèrent la Loge FIDÉLITÉ ET LIBERTÉ qui fut installée le 19 août 1966 à la Coudre, dans le canton de Vaud.
Ces Frères voulaient continuer de tenir Loge d’une manière libre et indépendante, c’est-à-dire de poursuivre le chemin de leur idéal, basé sur l’esprit libéral tel qu’il est décrit dans les Constitutions de 1723.
Tout imprégnés de l’esprit d’universalité de la Franc-Maçonnerie, en peu de temps, les membres de la Loge FIDÉLITÉ et LIBERTÉ ressentirent le besoin de faire rayonner la Maçonnerie libérale, non seulement à Genève, mais aussi en Suisse. L’idée d’une nouvelle Grande Loge commençait à naître.
Déjà 10 années auparavant s’était constitué une Obédience libérale sous le titre distinctif de GRAND ORIENT de SUISSE, à la suite de rupture officielle entre l’ALPINA et le GRAND ORIENT de FRANCE votée en 1955. Cette Obédience était composée de quatre Loges (2 à Lausanne et 2 à Zürich).
Le GRAND ORIENT de FRANCE possédait une Loge qui travaillait à Lausanne, la Loge LUMIÈRE et TRAVAIL, dont plusieurs membres habitaient Genève et qui participèrent activement aux premiers travaux de la Loge FIDÉLITÉ et LIBERTÉ.
Le germe d’une nouvelle Loge émanant de LUMIÈRE et TRAVAIL prît naissance et, constatant que les Constitutions de 1723 précisaient que trois Loges pouvaient créer une Grande Loge, quelques Frères de FIDÉLITÉ et LIBERTÉ conclurent à la nécessité de créer une troisième Loge.
En novembre 1966, après la clôture des travaux de la Loge FIDÉLITÉ et LIBERTÉ qui se réunissait alors dans les locaux de l’UNION COMPAGNONNIQUE au N° 17 de la Grand Rue à Genève, les Frères R. PRETI, G. JANSEN, L. SIMON et R. BONGARD se constituèrent et appelèrent encore les Frères C. MATHYS, P. BIANCHI, E. BETTENS, E. FAWER, qui acceptèrent de fonder une troisième Loge en vue de créer une nouvelle GRANDE LOGE.
La première question qui se présenta alors, fut le choix du titre distinctif de la nouvelle Loge. Le Frère L. SIMON, qui avait découvert les hautes qualités spirituelles et morales du Grand Initié APOLLONIUS de TYANE, prononça son nom, qui fut accepté sur l’heure par tous les futurs membres fondateurs qui aspiraient au perfectionnement de l’enseignement maçonnique par un retour approfondi aux sources de l’initiation, par des travaux axés plus spécialement sur le symbolisme, la philosophie et le spiritualisme. Puisque le but de la création de notre Loge visait aussi à la création d’une Grande Loge, il fut encore décidé qu’elle travaillerait à la réorganisation de la Maçonnerie libérale non seulement à Genève et en Suisse, mais aussi en Europe et sur tous les Continents.
Il faut sept Frères pour qu’une Loge soit juste et parfaite. Nous étions huit… Il ne restait plus qu’à installer notre Loge. Mais il fut décidé que cette cérémonie aurait lieu dans le nouveau Temple que la Loge FIDÉLITÉ et LIBERTÉ avait commencé de construire au N° 14 de l’avenue Henri-Dunand, sous la conduite du Frère R. PRETI architecte, H. ECKERT peintre, et R. BONGARD (mécène).
Le 31 décembre 1966, parmi les échafaudages, la cérémonie de la pose de la première pierre fut célébrée solennellement malgré le froid vif qui régnait. Un coffret fut scellé dans la dalle, sous le pavé mosaïque, contenant les Constitutions de 1723, l’acte constitutif de la Loge FIDÉLITÉ et LIBERTÉ, le bijou de Loge, l’équerre et le compas ainsi que les quatre éléments. Ce qui fait que le pavé mosaïque est doublement sacré.
C’est le Vén .’. M .’. en Chaire de la Loge FIDÉLITÉ et LIBERTÉ, le Frère R. SAUTY, pasteur, qui dirigea cette Tenue au ler grade avec le Frère P. BERGERIOUX, président de la Sté Coop. L’ACACIA qui avait été constituée pour permettre à tous les Frères de nos Loges, de participer financièrement à la construction et aux installations de nos locaux.
L’article N° 3 des statuts de la Sté Coop. L’ACACIA, inscrite régulièrement au Registre du Commerce de Genève, prévoit que :
« La société a pour objet: Maintenir et propager l’esprit libéral, humanitaire et universel, tel qu’il est décrit dans le livre des Constitutions de 1723 de la Grande Loge de Londres, dénommées «Constitutions d’Anderson».
Les travaux de construction étant plus avancés, la Loge APOLLONIUS de TYANE fut installée au cours d’une Tenue solennelle le 24 mai 1967 et confirma ses décisions en signant son acte constitutif.
Puis onze Frères de la Loge LUMIÈRE et TRAVAIL créèrent la troisième Loge sous le titre de MOZART et VOLTAIRE qui fut installée le 9 juin 1967.
Tout était prêt pour la création de la GRANDE LOGE de SUISSE.
Depuis plusieurs mois des pourparlers étaient en cours avec le GRAND ORIENT de SUISSE afin de réunir nos efforts et nos forces dans un idéal commun. Une entente complète se réalisa entre les trois Loges de Genève et les quatre Loges du GRAND ORIENT de SUISSE, soit les Loges ANDERSON, ÉVOLUTION, à l’Orient de Lausanne, J.C. LAVATER, D. LAVATER à l’Orient de Zürich, qui acceptèrent fraternellement de se joindre aux Loges Genevoises pour créer la GRANDE LOGE de SUISSE, qui fut solennellement installée par une journée torride, le 24 juin 1967, jour du 250e anniversaire de la création de la GRANDE LOGE de LONDRES, qui nous légua ses Constitutions de 1723.
Plus de 200 Frères de sept Obédiences, participèrent à cette Tenue solennelle qui consacra le Temple, et qui installa notre GRANDE LOGE ainsi que le premier Grand Maître en la personne du Frère E. VAUTHEY.
L’Acte constitutif de la GRANDE LOGE de SUISSE fut signé par la totalité des Frères présents des sept Loges constituantes.
Pour en terminer avec les souhaits de bienvenue et de remerciement, nous désirons rappeler ce qui fut dit à la fin de la Tenue solennelle de consécration, nous dirons comme nos prédécesseurs:
ET MAINTENANT: à l’oeuvre, Maçons de la Loge APOLLONIUS de TYANE, à l’oeuvre, Maçons de la GRANDE LOGE de SUISSE, à l’oeuvre, Maçons de toutes les Obédiences!
Le signal est parti du sommet du triangle! Organisons-nous et que l’étreinte fraternelle qui nous a unis dans le passé nous unisse dans l’avenir.
Signification maçonnique de la Loge Apollonius
Nous nous réunissons pour travailler sous le nom prestigieux d’Apollonius, réfléchissons à notre mission qui est de propager l’esprit libéral des Maçons de 1717 et de participer à l’organisation de cette Maçonnerie en Suisse, en Europe et sur tous les continents, à l’instar d’Apollonius lors de ses voyages.
Les Frères qui ont voulu la création de cet Atelier ont également satisfait une certaine ambition maçonnique, celle de se retrouver dans une Loge d’étude et de perfectionnement de la symbolique maçonnique, par un retour aux sources.
C’est donc en continuant de nous inspirer du système pythagoricien, que nous nous vouerons le mieux à notre vocation et notre travail n’en sera que plus fructueux.
A travers Apollonius, c’est l’âme de Pythagore qui sera toujours présente dans notre Loge; et l’esprit de nos travaux restera pénétré de sa philosophie pour acquérir de nouvelles connaissances et mieux comprendre l’évolution de la pensée au cours des siècles. Par Apollonius de Tyane, ce grand Philosophe dont nous avons tiré notre dédicace, c’est notre vie spirituelle que nous voulons orienter vers des aspirations plus nobles, plus généreuses et plus fraternelles.
Le travail qui nous attend est vaste, si nous voulons nous imprégner des enseignements pythagoriciens. Jugez-en par la liste des philosophes que nous devons connaître :
ECOLE PYTHAGORICIENNE
Pythagore – Charondas – Lysis – Abaris – Theano – Aristée – Alcmeon – Timée – Ocellus – Eurytus – Oenopide – Ecphante – Hippasus – Hippodame – Epicharme – Archytas – Philolaüs – Stesimbrote – Echécraté.
ACADEMIE
Platon – Speusippe – Phormion – Polemon – Crates – Xenocrate – Crantor.
PYTHAGORICIENS ROMAINS
Sextius – Sotion – Areus – Attalus – Sénèque – Musonius – Cornutus – Démétrius – Epictète – Arrien – Marc-Aurele – Euphrate – Oenomaüs – Demonax – Crescens.
NOUVEAUX PYTHAGORICIENS
Euxene – Apollonius de Tyane – Secundus – Anaxilas – Modératus – Nicomaque de Gérasa – Néarque – Alexandre Polysthor – Apulée.
PHILOSOPHES PLATONICIENS ET PYTHAGORICIENS DE LA RENAISSANCE
Nicolas de Cusa – Marcile Ficin – Patrizzi – Giorgano Bruno – Leibniz (et son école).
Et, pour clore cette liste, n’oublions surtout pas l’enseignement septénaire qui expose la grammaire, la rhétorique, la logique, l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique.
Nos recherches futures orienteront et exalteront notre goût des travaux difficiles. Sachons reconnaître que c’est la condition de base de notre propre développement. Notre idéal ne sera jamais placé assez haut.
Que devant la Tétrade qui décore notre pavé mosaïque, nous aspirions toujours à la Connaissance et à la Vérité!
Que la Lumière dispensée par la Gnose, éclaire nos esprits et élève notre pensée!
Que notre Loge prospère et soit une véritable union de Frères!
Aimons-nous les uns les autres et, la main dans la main, les cœurs unis, parcourons les chemins de la vie.
Or. de Genève, septembre 1969
Planche du Frère R. Bongard, membre fondateur de la Loge Apollonius de Tyane, à l’occasion du XXe anniversaire de la Loge.
C’est avec une réelle émotion que j’ai reçu à Nice, en octobre dernier, le jour de mon 70e anniversaire, le message adressé aux membres fondateurs de la Resp. Loge APOLLONIUS DE TYANE, pour leur rappeler la Tenue solennelle du 20e anniversaire qui sera célébrée en mai 1987.
Ce fut aussi avec joie que je répondis affirmativement à la demande de collaboration active sollicitée par votre ancien Vén. M. en Ch. J. COURVOISIER, pour préparer une planche pour cette importante cérémonie, en qualité de membre fondateur.
Je vous suis à tous reconnaissant pour cette marque de sympathie et je crois , pour plusieurs d’entre vous, de ce témoignage d’affection, et je vous en remercie très sincèrement.
La première plaquette que vous possédez tous, relate dans les grandes lignes, les circonstances qui présidèrent à la création de la Loge, de même que de la vie d’APOLLONIUS. Je n’y reviendrai pas.
Mais je me souviens de l’enthousiasme du regretté Frère SIMON lorsque après une Tenue de la Loge FIDÉLITÉ & LIBERTÉ en novembre 1966 à la Grande Rue, je lui proposai de créer la troisième Loge qui devrait nous permettre de constituer valablement la Grande Loge de Suisse, en commun avec la Loge FIDÉLITÉ & LIBERTÉ créée le 19 août 1966 et la Loge en formation qu’avaient décidé de créer quelques Frères de la Loge LUMIÈRE & TRAVAIL, dont entre autres, les FF. A. et G. KLEINMANN et A. JACQUES, qui participaient aussi à nos travaux.
En lui précisant que je désirais que la future Loge adopte comme mission d’approfondir surtout l’ésotérisme et la spiritualité de ses membres, je demandai au frère SIMON s’il avait un titre distinctif à proposer. Sans attendre, il suggéra le nom d’APOLLONIUS, qu’à ma surprise, je n’avais pas encore entendu!
Le Fr. SIMON me documenta un peu, puis je me mis à la recherche de tout ce qui pourrait concerner ce grand disciple de PYTHAGORE.
Ce fut une révélation!
Malgré mes occupations familiales et professionnelles et le gros travail administratif qui m’incombait en qualité de Grand Chancelier de la Grande Loge de Suisse et l’organisation de la conférence publique du G.M. de la Grande Loge de France, Richard DUPUY à la salle Centrale, sur «La Franc-Maçonnerie sans secret», je pris la décision d’épauler plus activement notre premier vénérable L. SIMON dont la santé était précaire.
Estimant que ma Loge FIDÉLITÉ & LIBERTÉ possédait suffisamment de frères dynamiques, et au détriment bien sûr de ma présence assidue, je pris alors en charge la direction spirituelle de la Loge APOLLONIUS.
Après une planche sur la musique maçonnique du Fr. A.-W. MOZART, j’avais prévu l’étude en Loge de la doctrine de PYTHAGORE en commençant par l’approfondissement des VERS DORÉS transmise à la Tradition par LYSIS, car ils montrent clairement une gradation dans leur enseignement. Il s’y trouve l’énoncé de certaines règles de purification du point de vue individuel, comme du point de vue social, puis ensuite, nous font entrer dans un domaine plus philosophique et même plus métaphysique. En fait, tout y est dit.
La doctrine métaphysique de PYTHAGORE considère que l’homme appartient à une nature triple: corps, âme et esprit, et que ces trois éléments peuvent vivre leur vie, instinctive, animique ou intellectuelle. Lorsque ces trois vies sont développées harmonieusement, elles se confondent dans une quatrième, qui est la vie propre et volitive de cet être admirable dont la source immortelle est dans la vie et dans la volonté divine.
Ce ternaire compris dans une Unité absolue ou relative, forme ainsi le Quaternaire ou la Tétrade sacrée des Pythagoriciens:
« J’en jure par celui qui grava dans nos coeurs la Tétrade sacrée, immense et pur symbole, source de la Nature, et modèle des Dieux. «
A l’instar de tous les grands penseurs, APOLLONIUS n’a laissé que quelques écrits. C’est en effet la tradition orale des initiés qui constitue la source la plus importante de la connaissance initiatique, qui est le savoir que se transmettait la Confrérie des initiés, de génération en génération, car par son caractère, la tradition mystique liée à des modes de vie spirituels profondément intimes, exigeait l’absolu mystère.
APOLLONIUS de Tyane était un fervent disciple de PYTHAGORE, dont il lisait et récitait matin et soir les VERS DORÉS.
Nous référant à cet exemple, nous avions donc commencé à les lire régulièrement en Loge et surtout à les méditer, car les Vers dorés sont valables pour toute structure mentale. Tout le monde peut y trouver sa nourriture morale et spirituelle. Mais bien sûr, on n’arrive à rien sans mal, sans travail, et le but poursuivi, celui qui nous est indiqué par «la source de toutes choses» demande pour y parvenir, beaucoup de persévérance, de patience et de courage. Il faut aussi beaucoup d’amour et de foi en Celui qui est Tout.
C’est pour respecter cette tradition que j’avais prévu que notre étude des Vers dorés s’effectuerait sous la forme de colloques au cours desquels à tour de rôle, chaque frère prendrait la parole debout et à l’ordre, comme il sied lors de chaque Tenue dans un Temple maçonnique.
La tradition orale des initiés présupposait toujours chez ses adeptes, un certain niveau de développement intellectuel et moral. Ainsi naquit l’idée de l’élite, du choix, c’est-àdire des êtres capables de suivre une voie mystique et de recevoir l’initiation tel un mystère spirituel grave et intime.
En principe, l’initiation procède de l’égalité des hommes. Chaque être humain possède un droit égal au développement de sa monade et nulle voie ne lui demeure interdite.
Mais en pratique, l’initiation doit reconnaître l’idée de l’élite choisie, et par cela même, les divers degrés du développement intellectuel et moral comme base pour la divulgation de tels ou tels mystères initiatiques. D’où toute la série des gradations maçonniques de chaque rite, pour transmettre la tradition orale.
L’objet essentiel de la tradition orale est la science des Nombres et de leurs groupements, expressions des lois de la formation du monde. C’est aussi cette étude des Nombres que nous avions commencée ensemble en Loge après les nombreux colloques sur les Vers dorés.
Les écoles philosophiques d’Alexandrie se distinguaient spécialement par leurs efforts classificateurs et c’est le courant purement hellénique qui emprunta au milieu égyptien, les légendes et les croyances de l’Égypte, qui tenta de fondre la science classificatrice avec celle des Nombres. Ce fut le travail des néoplatoniciens, dont PLOTIN, JAMBLIQUE et d’autres philosophes grecs, dont APOLLONIUS de Tyane, pour qui tous les phénomènes universels se réduisaient à des formules numériques.
Dans ces essais de classification, les penseurs d’Israël se montrèrent les plus érudits. Ils apportèrent de Palestine un riche héritage de sagesse chaldéenne et biblique qu’ils unirent aux thèses raffinées des néoplatoniciens et aux survivances des enseignements égyptiens. Ces érudits juifs utilisèrent l’alphabet comme l’expression de toute la sagesse humaine contenue dans les 22 lettres de l’ancien alphabet hébreu, qui devint les 22 Arcanes de l’essence de la CABALE, véritable doctrine initiatique, dont une partie est théorique, alors que l’autre est essentiellement pratique.
Dans mon projet pour notre perfectionnement moral et spirituel, j’avais également envisagé une étude approfondie en commun des principaux arcanes de la Cabale. Mais malgré l’ambitieuse élévation des travaux que je prévoyais pour la Loge, nous conservions néanmoins toujours «les pieds sur terre», convaincus qu’une théorie doit toujours trouver sa justification dans l’action, donc dans la vie, sinon cette théorie n’est qu’un rêve sans consistance.
Or justement, la philosophie de PYTHAGORE prend l’homme dès ses premiers problèmes familiaux et sociaux, pour l’amener progressivement à un point de vue mystique qui absorbe tous ces problèmes. Par exemple, sur le fronton du Temple de Delphes étaient écrits ces mots:
« Rien de trop, et Connais-toi toi-même ».
Mais est-il possible de se connaître? …
Voici l’opinion de PLATON:
«Toute la science consiste à distinguer ce que l’on ne sait pas et à vouloir apprendre ce que l’on ignore. Mais la distinction de ce qu’on ne sait pas et la volonté d’apprendre ce qu’on ignore sont des choses beaucoup plus rares qu’on ne croit. C’est le juste milieu de la science, aussi difficile à posséder que celui de la vertu, et sans lequel il est impossible de se connaître soi-même. Or sans la connaissance de soi-même, comment acquérir celle des autres? »
« Celui qui connaît son corps ne connaît que ce qui est à lui et non pas lui. Connaître son corps comme un médecin, ou comme un sculpteur, c’est un art; connaître son âme, comme un sage, c’est une science, la plus grande de toutes les sciences. » (PLATON: in Alcibiade II)
Dans les VERS DORÉS, PYTHAGORE précise le libre arbitre comme un fait d’expérience: réfléchir avant d’agir:
«Choisis pour ton ami, l’ami de la vertu et pour tort léger ne le quitte jamais».
«Pense d’après toi-même».
«Consulte, délibère et choisis librement».
Il considère aussi les deux mobiles opposés du monde à l’homme, où l’homme est relégué, la nécessité et la puissance:
«Car une loi sévère attache la puissance à la nécessité».
Ces deux mobiles tiennent leur force dans une cause supérieure que les anciens nommaient « némésis » et que nous nommons «providence».
Donc à la maison, dans notre chambre, avant chaque Tenue au Temple, nous devions étudier et méditer sur les Vers Dorés qui seraient examinés à la prochaine réunion, au cours des trois tours de chaque colloque. Si un frère n’avait rien à exprimer, il se mettait quand même debout et à l’ordre, lors de son tour pour dire: sans complexe, en toute simplicité: j’attends d’autres commentaires.
Après le rituel d’ouverture prononcé gravement, par coeur par chaque officier qui pesait chaque mot, cette manière de travailler en Loge en colloques apporta de suite à toutes nos Tenues, une certaine sérénité qui attira de plus en plus de frères visiteurs.
Si au départ, notre intention de fondateurs ne visait qu’à la création de la Grande Loge de Suisse, nous éprouvions rapidement le besoin de donner à notre nouvelle Loge, sa propre identité et son propre esprit, c’est-à-dire de lui apporter son égrégore personnel. Pour cela, je crois opportun de vous relire mon intervention au cours d’une exaltante Tenue au 1er degré, celle du 21 octobre 1968:
Vénérable Maître en Chaire et vous tous mes TT.’. CC.’. FF.’.
J’ai ce soir l’impression que notre Loge commence sa nouvelle vie, car ensemble, nous allons essayer de lui imprimer son Esprit.
Cela est grand. Cela est grave, et nous sommes peu nombreux.
Mais c’est justement notre petit nombre qui nous permettra d’arriver plus facilement à notre but, à condition que chacun de nous se dépasse et se branche sur les ondes spirituelles de la Tradition.
Car nous ne voulons rien inventer. L’homme, vous le savez, n’invente rien. Il ne fait que reproduire des impressions ou des combinaisons qu’il ressent et qui lui sont imposées contre son gré.
Nous allons donc ensemble essayer de devenir les instruments fidèles d’un esprit qui souffle depuis la nuit des temps et dont, il y a 2600 ans, PYTHAGORE fut l’instrument réalisateur après bien d’autres auparavant. Nous allons essayer de l’imiter, sans prétentions aucunes et en toute humilité.
Nous avancerons par étape, pas à pas et à chacune de nos réunions nous devrons nous imposer une certaine discipline et un effort de volonté pour nous arracher à nos contingences personnelles et essayer ainsi de nous placer au-dessus de nous-même.
Au début, ce ne sera guère facile, car nous avons tous trop l’habitude d’écouter et de parler avec notre intellect seulement. Mais au fur et à mesure que nous acquerrons la faculté de sortir de nous-mêmes et de nous oublier, nous nous élèverons ensemble sur les hauteurs spirituelles.
Détendons-nous mes FF.’. et méditons…
La conscience que notre personnalité n’est pas humaine seulement doit naître dans chaque membre de notre Loge. Elle doit se développer, lutter et passer en quelque sorte par toutes les expériences symbolisées par l’Initiation véritable, afin de réaliser le saint «Trois en un » : Amour – Sagesse – Pouvoir, véritable expression de l’Esprit Universel, qui est l’essence spirituelle.
Toute Conscience est Une… C’est la Conscience universelle, donc la nôtre aussi, à chacun, comme aussi celle du règne animal, végétal ou minéral.
Au commencement était le Verbe. Toutes choses ont été faites par Lui et comme Lui. Nous sommes aussi le Verbe ou la Parole, c’est-à-dire, le symbole de l’Idée principielle ou de l’Esprit créateur, qui est le Temple de notre Âme et de notre Corps.
Prenons conscience que le Verbe ou la Volonté première est la seule unique source d’Inspiration et que nous sommes tous une parcelle du Verbe ou de l’Esprit. Nous sommes une cellule de l’Esprit universel et nous ne faisons qu’un avec Lui. Donc, nos pensées ne sont que le produit de la Pensée de cet Esprit.
En résumé, notre personnalité humaine est à nous, ce que nous sommes à l’Esprit universel.
Puis après une introduction, nous lûmes les Vers d’Or qui feront l’objet de nos méditations et de nos Tenues durant plus d’une année. Cette mémorable Tenue se termina comme à l’accoutumée par le discours de l’Orateur et le rituel de clôture des travaux.
Cette réminiscence avait pour but de raviver encore plus intensément la flamme qui, il y a 20 ans, éclaira la Loge APOLLONIUS avant les turbulences, les vicissitudes et les turpitudes provoquées par un recrutement déficient. Mais en fait, ces malheureuses difficultés ont été surmontées et se révèlent à présent comme une irremplaçable expérience qui sera certainement bénéfique pour l’avenir.
Je tiens pour terminer, à féliciter tous les Frères qui, malgré tout, ont su maintenir le flambeau de l’Esprit originel insufflé à la Loge au début de sa création.
Et à l’occasion de l’importante étape que constitue le 20e anniversaire, je forme des vœux les plus ardents et les plus sincères pour la prospérité et pour une féconde activité de la Juste et Parfaite Loge APOLLONIUS de TYANE.
CE QUE NOUS SOMMES ET CE QUE NOUS CHERCHONS
Nous voudrions vous parler sous ce titre, d’une famille souvent méconnue, celle des Francs-maçons.
En avant propos, nous pourrions dire, ne comptons-nous pas déjà assez de religions, de sectes, de philosophies?
Peut-être!
Mais la réalité est que la Franc-maçonnerie représente dans le monde une institution que l’on ne peut comparer à aucune autre.
Recherche de la Vérité
Nous nous assemblons pour chercher en commun la Vérité. La Vérité dans tous les domaines: le religieux et le social, le philosophique et le scientifique, l’art et l’histoire. Or, à cette recherche passionnée qui est bien digne de tenter les hommes de valeur, les Francs-maçons apportent une ouverture et une liberté d’esprit totale.
Les tenants d’une école scientifique appuient volontiers leurs convictions sur les travaux de leurs maîtres, les croyants, et rien n’est plus légitime, sur l’autorité de leurs livres et la valeur de leur credo. Nous entendons aller à la recherche de la Vérité sans qu’aucun dogme a priori, ne s’impose à notre esprit critique et sans qu’aucune borne de quelque sorte ne puisse nous barrer le chemin du vrai.
Chacun de nous doit trouver sa propre lumière, par la réflexion, la méditation, la lecture, l’exercice de la raison.
L’homme qui dépose sa candidature dans notre Ordre, devra tout d’abord longuement réfléchir et méditer sur la portée de sa démarche. Si cet homme est reçu parmi nous, nous lui demanderons tout d’abord d’apprendre à mieux se connaître, de peser seul avec sa conscience, les graves problèmes de notre monde et d’écouter avant de former et d’exprimer sa propre opinion.
Ainsi, les bases de la Maçonnerie sont-elles avant tout le perfectionnement moral et la recherche de la Vérité.
Imaginons le nouveau Maçon en contact avec les anciens, qui eux ont été reçus depuis longtemps. Le néophyte, en même temps qu’il pénètre dans une forêt de symboles qu’il approfondira longuement et interprétera selon sa tournure d’esprit et son propre entendement, assiste à des exposés, des conférences, des discussions, des cérémonies entre Francs-Maçons. Obligatoirement, si étendue que soit sa culture, il se rend compte que bien des problèmes ne l’avaient encore jamais effleuré, et si tel devait être le cas, que bien des aspects lui avaient échappés.
Cette recherche de la Vérité à laquelle nous consacrons notre vie, voilà qu’avec le temps, elle se montre toujours plus ardue et plus difficile à atteindre. Ce que les vieilles cosmogonies avaient présenté avec superbe, est-ce que le progrès de la connaissance ne l’ébranlent pas dangereusement? La science même va d’explications provisoires en hypothèses ingénieuses souvent démenties le lendemain. Les philosophies les plus hautes ont toutes leurs limites. Arrivés à ce stade de la réflexion, nous pouvons dire que si le Maçon comprend que la Vérité est sans doute une, on peut, tel le fragment de droite aperçu sous différents angles, en concevoir différents aspects pareillement valables. Qui a tout à fait tort ou tout à fait raison? Alors le Maçon qui a compris et assimilé ces choses s’élève sur le plan de l’éthique individuelle et sociale. Il accède à la notion de la Tolérance, notion très difficile, mais indispensable dans une société civilisée.
Imaginons qu’un membre d’une Loge vienne exposer, non sans talent, des idées opposées à celles de ses Frères, qu’il révèle une conception du monde qui les heurte violemment. Nous devons rester alors dans le domaine de la réflexion pure et avant de lui répondre, nous devons penser que cet homme est de bonne foi, que lui aussi a réfléchi, lu, comparé, peiné, pensé, cherché. Pourquoi sa solution serait-elle « a priori » inférieure à la nôtre? Voilà ce qu’est la démarche d’esprit Maçonnique. Dans une autre société, deux esprits antagonistes pourraient devenir des ennemis. Or un Maçon n’est jamais l’ennemi d’un autre Maçon. Il peut penser que l’autre est dans l’erreur, mais chacun respecte les convictions de l’autre en pensant que la liberté personnelle de l’un se termine là où commence celle de l’autre.
Fraternité
Tous les maçons n’ont pas les mêmes opinions, les mêmes croyances ou les mêmes tendances. Ceci est très important, car le monde serait bien triste et monotone si tous les esprits étaient fabriqués en série, sur le même modèle et pensaient tous de la même manière. La diversité de nos points de vue n’exclut jamais la courtoisie dans nos rapports réciproques, ni l’estime que les uns portent aux autres. La Tolérance nuancée de cordialité nous conduit à la Fraternité. Tous les Maçons se sentent fraternellement unis; cela va même plus loin, ils se sentent de la même famille, de celle qui ne veut opprimer aucun de ses membres. Alors nous avons la joie de nous appeler FRÈRES.
Les Francs-maçons sont des hommes comme les autres et ils n’atteignent pas toujours et de loin, les hauteurs spirituelles qu’ils se proposent pour but. Mais du moins y tendent-ils de toute leur volonté et de toutes leurs forces.
Toute Loge se réjouit d’un succès de carrière, d’un événement familial heureux, d’un succès remporté par un de ses membres, comme tout Frère ressent comme une peine personnelle, le deuil ou le malheur d’un Frère. Il est facile de comprendre, qu’un milieu aussi libéral dans sa recherche et aussi chargé de bienveillance dans son action quotidienne, attire à la fois les cœurs ardents et les grands esprits. C’est que chacun, d’où qu’il vienne, se sent à l’aise dans l’Ordre Maçonnique, car il est le gardien des Traditions passées.
Toutes les religions, tous les ésotérismes, toutes les hérésies aussi, toutes les mystiques, toutes les recherches métaphysiques reflètent sans doute une part de Vérité et, sous leur apparence contingente à telle ou telle époque de l’humanité, une part de l’absolu. Loin de railler ou de s’en faire un adversaire, le Maçon recueille pieusement toutes les Traditions. I1 sait que le monde n’a pas commencé avec lui et que la beauté d’une civilisation est due d’abord au pénible effort de toute une chaîne d’humains qui l’ont précédé.
Il sait que la vie est brève, qu’elle n’est qu’un cycle, qu’elle ne représente qu’un instant entre hier et demain. Son ambition est de travailler à ce que le monde futur soit plus accueillant, plus lumineux, plus humain que celui que nous connaissons actuellement. Pour mieux y arriver, loin de s’enfermer dans la Tradition, le Maçon prend appui sur elle pour construire. Car si nous sommes Francs, nous sommes d’abord Libres. Ainsi, la Franc-maçonnerie connaît-elle le singulier bonheur d’être à la fois un laboratoire d’idées et un terrain où on peut les appliquer. Ce travail en commun, l’idéal qui nous domine et l’espoir qui nous soulève font naturellement tomber toutes les barrières que les circonstances ont élevées entre les hommes. Dans nos Loges on peut voir fraternellement mêlés, l’homme simple et le savant, le circoncis et l’incirconcis, le blanc et le noir, l’humble et le riche, l’étranger et le national, le croyant l’agnostique et l’athée. Quelle autre institution pourrait-elle réaliser, dans l’harmonie, un pareil brassage?
Humanisme
S’il existe, après tant de querelles, après tant de guerres, une aspiration profonde qui représente notre idéal Maçonnique, c’est bien celle que nous désignons du nom d’humanisme. Sentir qu’il existe en chaque être humain une dignité à tous les échelons, sentir et comprendre que si dissemblables que puissent être encore aujourd’hui les états et les peuples, que tous les hommes ont quelque chose de commun, beaucoup plus fort que ce qui peut les diviser. Notre Ordre, ouvert à toutes les doctrines, mais qui n’en impose jamais, peut sans dérision parler d’humanisme. C’est pourquoi, malgré que nous soyons divisés sur certains sujets, nous sommes unanimes dans notre amour passionné de la PAIX. L’ambition de notre Ordre Maçonnique est très haute. Il veut non diviser, mais rassembler ce qui est épars. Il rêve d’étendre un jour à l’humanité entière, la liberté et la dignité qui feront de la famille humaine, une famille heureuse et unie.
En conclusion, la Maçonnerie sert à effacer l’inimitié des nations, la différence des âges, celle des goûts; elle réunit par la pratique de la morale qu’elle enseigne, ceux qui sont les plus éloignés par les préjugés et par la division de leurs intérêts. Un bon Maçon est le Frère de tous les hommes, l’ami de tous les gens de bien. L’indigence et la vertu ont les premiers droits sur son cœur, droits sacrés par le serment que nous prêtons, et dont chacune de nos assemblées nous retrace la leçon; sa charité s’étend sur tous les malheureux.